Je vous mets au parfum?
15h30, une campagne verdoyante, la sonnerie de l’école se fait retentir dans tout le bâtiment et vous filez dare-dare faire les rangs, vous préparant psychologiquement à corriger la flopée de rédactions que vous avez eu la bonne idée de faire rédiger à vos élèves, dans un moment de faiblesse sans doute, feignant de croire aux bonnes surprises et qui, en fin de compte vous donneront, probablement plus tard dans la soirée, envie de vous ouvrir les veines et d’écrire avec votre sang de magnifiques commentaires à la «Parlons-nous la même langue?» sur 90% des copies.
20 bonnes minutes plus tard (= le temps qu’il aura fallu au papa de la petite Josette pour daigner se lever de son sofa, déposer sa bière et venir chercher – accessoirement – son immonde gamine sur le chemin du Lidl le plus proche, histoire de s’acheter la dernière arnaque low cost), votre mallette en bandoulière, l’iPhone à la main et le besoin de faire le vide, vous vous mettez en quête de votre bus préféré quand ce dernier a justement – oh surprise! – décidé de mettre les voiles, pile au moment où vous vous approchiez de lui.
S’en suit le classique coup de l’averse qui arrive sans prévenir, ruine vos mocassins en daim Ralph Lauren et le semblant de coiffure qu’il vous restait (Maintenant que vous arborez la coupe de Diana Ross, vous songez brièvement à remonter les Supremes).
C’est donc finalement 25 bonnes minutes plus tard, au bord de la crise de nerfs et le blazer Dries Van Noten en berne que vous montez à bord du prochain autobus quand soudain, vos sens olfactifs en ébullition, vous prenez conscience de l’odeur de relents d’égouts parfumant généreusement les moindres recoins du véhicule. Rester ou partir, votre parfum Tom Ford et vous-même ne pouvez pas vous permettre le luxe de la réflexion, le conducteur ayant manifestement fait le choix à votre place lorsqu’il s’est mis à démarrer en trombe.
Respirer le moins possible étant devenu votre principale préoccupation, vous luttez du peu de forces qu’il vous reste pour humer uniquement l’air qui provient de votre propre espace privé (= le millimètre carré de siège que vous laisse cette grosse femme, sac banane sur le ventre, sachets Wibra et Zeeman sur les genoux, racines grises d’une bonne quinzaine de centimètres, nourriture suspecte au bec et flopée de gamins agités débarquant tout droit d’un film d’horreur à la Détour Mortel).