La pluie s’abat avec de plus en plus de violence sur le Jardin des Tuileries et ce qui n’était, au départ, qu’une légère bruine rafraîchissante – de celles que l’on aime sentir sur soi en pareilles circonstances, histoire de prendre conscience de la réalité des évènements – se mue à une vitesse alarmante en un véritable déluge digne de l’Arche de Noé. Oui, à la différence près qu’ici, il n’est pas question d’assurer la pérennité des espèces humaines, juste de s’assurer de celle de son brushing et c’est déjà un exploit en soi; ainsi, les moyens de protection capillaires les plus impromptus fusent et ornent, en l’espace de quelques secondes, les colorations à plusieurs milliers d’euros de l’assemblée.
Personnellement, arborant un couvre-chef hivernal, je ne me sens pas concerné – tout au moins, détonnant, dans ce cadre monochrome, en pull lilas sur chemise blanche à pois microscopiques, avec la tenue que j’ai dû improviser la veille lorsque j’ai découvert avec effroi que je n’avais pas placé les choses correctes dans ma valise – par ce problème climatique et m’avance enfin vers la tente, grossissant au fur et à mesure de mes pas, théâtre du show imminent … Autour de moi, quelques infos filtrent quant aux créations proposées. En effet, quelques couturières de l’atelier Lagerfeld se pressent à l’entrée et échangent potins en tout genre.
Laissant traîner une oreille distraite, je les surprends à évoquer le coût faramineux de broderies omniprésentes dans la collection ainsi que la panique latente qui a régné hier, lors de l’inspection rigoureuse et militaire de Karl dans les ateliers de confection, les petites mains – ôh combien nécessaires et talentueuses – priant diverses divinités afin que le créateur allemand n’impose la réalisation de nouveaux modèles pour le lendemain. Apparemment, leurs prières ont été entendues et ces dames se sont réjouies de l’arrivée de Son Excellence dans les temps fixés – soit, à peine 30 minutes de retard- ainsi que de la validation de leur travail.